22 octobre 2014

Fouilles place de l'Atre : le point sur la situation



Mardi 21 octobre 2014. Près d’un mois après l’alerte lancée par la Société d’émulation devant le risque d’une destruction des couches archéologiques du cimetière médiéval d’Épinal, une réunion in situ s’est déroulée en présence de représentants de la ville et du service régional d’archéologie (DRAC Lorraine).
Un constat simple : il ne s’agit pas d’un sujet mineur, mais bien d’un site qui pourrait être d’un grand intérêt pour la connaissance de la population spinalienne entre, potentiellement, le Xe et le XVIe siècle. La simple visualisation des ossements le long des parois des tranchées et au fond de la fouille laisse apparaître une forte concentration de sépultures sur au moins trois ou quatre niveaux. À noter que les corps sont bien en place ; autrement dit, nous ne sommes pas en présence d’un ou plusieurs charniers.

Par ailleurs, des structures en moellons calibrés apparaissent à plusieurs reprises. Si certaines peuvent correspondre aux fondations d’anciens édifices adossés au chœur de la basilique, d’autres semblent bien être des bâtiments créés à l’intérieur même de l’aire cimétériale.



Les clichés du chantier actuel permettent de faire deux autres constats. D’une part, la tranchée qui traverse la place de l’Âtre ne reprend absolument pas d’anciens réseaux. Ce qui pouvait être le cas rue Thierry de Hamelant ne l'est pas en ce qui concerne l’ancien cimetière. Quand les réseaux existent, on perçoit nettement que les tuyaux du chauffage urbain passent en-dessous, généralement à 2 m de profondeur. D’autre part, on peut s’étonner de voir des ossements humains joncher le sol, sans aucun égard à leur endroit. La législation sur les sépultures est pourtant claire sur l'obligation de ré-inhumer les corps déterrés. Évidemment, cela est tâche quasiment impossible lorsqu’un chantier traverse de part en part un cimetière, mais cela ne justifie pas de voir des ossements au grand jour, sur la grille d'un égout par exemple.

Reste à définir la suite des travaux. Dans le prolongement de la tranchée, au niveau du carrefour entre la place de l’Âtre, la place Edmond Henry, la rue Jeanmaire et la rue d’Ambrail, une fosse de 4 m de profondeur doit être ouverte sur un espace d’environ 8 m sur 5, soit une zone de 40 m². Si on admet qu’au-delà de 2 m nous sommes en présence de sables alluviaux et qu’entre +/- 40 cm sous la chaussée nous sommes en présence d’une zone perturbée par les travaux antérieurs, il reste une couche de terre noire d’une épaisseur de 1,50 à 2 m : or, c'est elle qui contient les sépultures. Au regard de la concentration des corps observée dans les parois de la tranchée déjà ouverte, on peut s’attendre à découvrir dans l’emprise de la fosse une centaine de sépultures.




Si une fouille préventive – ou plutôt de sauvetage dans le cas précis – est ordonnée par le service régional d’archéologie, il y aurait évidemment des conséquences sur la poursuite du chantier d’extension du chauffage urbain en termes de calendrier et de coût. Concernant ce dernier point, le financement d’une telle opération revient à l’aménageur qui est l’entreprise Cofély, c'est-à-dire GDF Suez – et non la ville d’Épinal. D’après les informations postées sur le site de la mairie, l’investissement pour l’extension du réseau est fixé à 8,5 millions d’euros ; ils sont financés par Cofély pour 4,5 millions, l’ADEME pour 2 millions et les abonnements des futurs utilisateurs pour 2 millions. A priori, la charge de la fouille pourrait être répartie entre ces partenaires.

La décision du service régional d’archéologie devrait intervenir avant le début du creusement de la fosse prévue début novembre.


Il est donc encore temps d'agir pour ne pas perdre les précieuses informations archéologiques sur les origines d'Epinal que constituent ces vestiges et ces ossements

Le bureau de la SEV

4 commentaires:

P. LHOTE a dit…

"L'histoire, hier aujourd'hui et demain, n'est autre que le mouvement des sociétés humaine, voire de l'humanité toute entière. Celle-ci est historique dans la mesure où elle est à la fois la résultat de ce mouvement dont elle hérite des fruits, génération après génération, et sa cause, puisque cette évolution est le résultat de l'activité matérielle et intellectuelle des hommes."
Peut-on faire fi de notre passé sous des prétextes économiques ? NON
Doit-on réagir lorsque notre histoire, notre passé sont maltraités, bousculés, non-respectés dans le cadre de travaux d'aménagement, d'urbanisation en zone sensible ? OUI
Nos Elus ont reçu la confiance de la majorité des Spinaliennes et des Spinaliens mais l'ensemble des Spinaliens leur demandent, dans ce dossier, de prendre le recul nécessaire, de faire ce petit pas de côté qui modifie la vision des choses, de prendre l'avis de spécialistes, de laisser la place au bon sens là où les impératifs de rentabilité immédiate semblent prendre le pas... Notre histoire et notre passé méritent que le temps reste suspendu un instant avant de se remettre en mouvement...

J.-L. GERARD a dit…

Je suis étonné et choqué par ces images. Mon expérience en site historique est très loin de ce qui se passe actuellement Place de l’Âtre.
En 2011, avant d’entamer les travaux de réaménagement du parc du château, nous avons contacté la DRAC, exposé notre projet. Le directeur des services archéologiques de Lorraine est venu sur le site. Il nous a expliqué comment opérer. Il nous a incité à plutôt remblayer, que creuser, dans le cadre des remodelages de profil de terrain. Nous avons établi des plans spécifiques pour la DRAC avec, mentionnées dessus, toutes les fosses prévues pour les futurs arbres à planter et les zones de terrassement pour l’extension des mares. A notre signalement, une personne de la DRAC est venue lors des premiers terrassements pour juger si une campagne de fouille s’avérerait nécessaire ou non.
Je n’aurais jamais imaginé, que Place de l’Âtre, site hautement historique d’Épinal, il n’y ai pas la même relation entre la DRAC et les travaux en cours…
Bravo pour le travail de la Société d’Émulation
Jean-Luc GÉRARD, architecte à ÉPINAL

Bernard Visse a dit…

Il semble effectivement qu'une attention toute particulière doive être portée - et des moyens mis en œuvre - dans ce dossier de fouilles extrêmement sensible : outre le fait que sans égard nous bouleversons des sépultures, il y a sans nul doute, dans cette zone historique plus que millénaire, matière à mieux connaître nos racines.

A. Laumond a dit…

C'est officiel, confirmé par la mairie et par le SRA de Lorraine, des fouilles partielles auront lieu place de l'Âtre. Une issue qui mettra fin aux destructions archéologiques déjà opérées dans le secteur. Un compte rendu de cette malheureuse histoire sera disponible dans le prochain numéro des Annales de la Société d'émulation dont la sortie est prévue en décembre.

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