07 avril 2015

Chère Jeanne, que fait-on de toi ?

Vendredi 10 avril, à la faculté de droit d’Épinal, et pour la somme de cinq euros, l'Association vosgienne de dépistage des cancers (AVODECA) invite Marcel Gay, coauteur avec Roger Senzig de L'Affaire Jeanne d'Arc (Éd. Florent Massot, 2007), à donner une conférence sur le mythe et la réalité de ce troublant personnage du XVe siècle.

Journaliste à L'Est républicain, Marcel Gay estime que les historiens "officiels" ne savent pas lire les sources et qu'ils sont incapables de comprendre qui fut réellement Jeanne d'Arc. Si certains griefs du conférencier sont fondés au regard de l'histoire lénifiante de la Pucelle dans les manuels scolaires du siècle passé, ils sont totalement hors de propos au regard de l'actuelle recherche universitaire.

Dans Jeanne d'Arc. Vérités et légendes (Éd. Perrin, 2008), la médiéviste Colette Beaune a repris l'ensemble du dossier et a démonté une à une les interprétations de Marcel Gay et de Roger Senzig. Les chapitres "Fille cachée du roi ?" et "Le héros ne meurt jamais" remettent ainsi dans leur contexte historique des témoignages et des pratiques sociales qui évitent les écueils de l'anachronisme et de la sur-interprétation. Comme Marcel Gay, Colette Beaune ne considère pas la Pucelle comme une bergère ; elle n'en fait pas pour autant une bâtarde du roi de France et ne cherche pas à découvrir une histoire secrète ou un supposé complot de l’Église catholique.

Bien que parfois stimulantes, les théories de Marcel Gay semblent plus proches de l'idéologie des milieux libres penseurs que de la raison historique.

11 commentaires:

Alexandre Laumond a dit…

Pour être complet, cette conférence est organisée par l'Association vosgienne de dépistage des cancers (AVODECA). L'année dernière, elle avait invité le médiéviste Bruno Dumézil, auteur d'une biographie de la reine Brunehaut (Fayard, 2008).

Anonyme a dit…

Droit de réponse pour Jehanne la Pucelle !
Conformément à la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) N° 2004-575 du 21 juin 2004 et au décret N°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse, Marcel GAY et Jehanne la Pucelle mis nommément en cause dans un post publié par Le blog de l’Emulation (société de l’émulation du département des Vosges) sous le titre « Chère Jeanne que fait-on de toi ? » demandent la publication dans ce même blog et à la même place du texte suivant :
« L’histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord, disait Napoléon. Jeanne la Pucelle n’échappe pas à la règle, n’en déplaise aux historiens officiels comme Colette Beaune qui s’en tient au mythe construit au 15ème siècle et continue, avec d’autres, d’appeler son héroïne nationale « Jeanne d’Arc ».
Laissons Jeanne se présenter au roi : ‘’J’ai nom Jeanne la Pucelle ‘’. Puis, à ses juges de Rouen : ‘’Je m’appelle Jeanne. Dans mon pays, on m’appelait Jeannette. Les filles portent le nom de leur mère’’. Jeanne d’Arc ? Jamais ! Pas une seule fois, ni dans ses lettres ni dans les documents officiels, ni dans les chroniques du temps. Est-elle née le 6 janvier 1412 ? On ne sait pas. Rien ne nous le dit. A Domrémy ? Pas sûr. Est-elle illettrée ? Certainement pas ! ‘’Je n’ai jamais écrit ni fait écrire…’’ ou encore ‘’Donnez-moi du papier et je lui écrirai tout de ce procès.’’ Etait-elle bergère ? ‘’ Je n’ai jamais gardé les moutons et autres animaux’’ dit-elle les 22 et 24 février à Rouen. Parlait-elle le patois du Barrois ? ‘’Elle fit les révérences accoutumées à faire aux rois, comme si elle avait été nourrie à la cour’’. Elle se comportait ‘’comme si elle avait été élevée dans les écoles de grande prud’homie… ‘’.
Est-elle morte sur le bûcher de Rouen le mercredi 30 mai 1431 ? Difficile à croire. La femme qui monte sur le bûcher a le visage embronché, c’est-à-dire caché. Or, Jeanne réapparaît, le 20 mai 1436 à La Grange-aux-Ormes près de Metz ? Elle s’appelle Claude (son nom dans la clandestinité). Elle est reconnue par ses deux frères, par les personnalités de la ville qui lui offrent des cadeaux. Puis Jeanne va à Arlon chez Elisabeth de Görlitz, marraine de Charles VII, guerroie à Cologne (le sauf-conduit daté du 2 août 1436 nous est parvenu), se marie avec le chevalier Robert des Armoises (la copie d’un document notarié nous est également parvenue) revient à Orléans en 1439 où elle rencontre le roi, mais aussi tous les habitants de la ville qu’elle a libérée, et encore l’évêque d’Orléans, un certain Regnault de Chartres, celui-là même qui a présidé la commission de Poitiers devant laquelle Jeanne a été interrogée durant trois semaines. Il chevauchera à ses côtés pendant des mois ! Si toutes ses personnes vivant au 15ème siècle avaient eu le plus petit doute sur l’identité cette femme, cette Pucelle ressuscitée, ils lui auraient demandé de leur montrer ses deux blessures de guerre. Et cette usurpatrice aurait forcément été jetée dans les flammes.
Ce ne fut pas le cas. C’est donc bien Jeanne la Pucelle de France qui s’est présentée à eux entre 1436 et 1439. Des documents irrécusables l’attestent. Le doute n’est pas permis.
Sauf pour Colette Beaune et ses amis historiens. En dignes héritiers des chasseurs de sorcières du 15ème siècle, nos médiévistes patentés refont à Jeanne un nouveau procès en sorcellerie. Ils rallument les feux de l’Inquisition pour jeter dans les flammes un journaliste renégat que je suis et son livre impie.
Mais pourquoi tant de haine six siècles après l’épopée de notre héroïne ? »

Alexandre Laumond a dit…

Le blog de l’Émulation étant un espace de libre discussion, il n'est pas utile de se référer à la loi pour pouvoir y défendre son point de vue. La censure n'y a pas sa place.
Sur le fonds, chacun est libre de se forger une opinion en lisant les ouvrages de Colette Beaune et de Marcel Gay. Simplement, notons que les thèses des « historiens officiels » combattus par Monsieur Gay sont aussi partagées par leurs collègues étrangers. Il faudrait donc admettre que l’incapacité des universitaires parisiens à comprendre des « documents irrécusables » est également le lot des chercheurs allemands tels que Gerd Krumeich, professeur émérite à l’université Heinrich-Heine de Düsseldorf.
Par ailleurs, il faut noter que les théories de Marcel Gay sont loin d'être une nouveauté dans ce débat très franco-français. L'excellent Roger Collet avait ainsi publié, il y a plus de vingt ans, un "Jehanne, Pucelle d'Orléans. Enseigner son histoire ou propager sa légende ?" Un essai stimulant forgé par la libre pensée mais qui ne convainc pas nécessairement. Si la démarche rationaliste permet de faire tomber des mythes, elle ne peut suffire à reconstituer un passé, à rendre compte des mentalités et des habitus du XVe siècle, à appréhender les motivations des producteurs de sources que nous lisons six siècles plus tard.

Unknown a dit…

Pour vous convaincre de la justesse des dires de Marcel Gay, visitez donc le site des "secrets de Jeanne" (www.jeannedomremy.fr)
Vous pourrez y découvrir par exemple que l'héroïne serait selon les historiens officiels née en 1412 dans une masure construite en 1823... aurait été baptisée en l'église de Domremy (bâtie à la fin du XVième) dans une cuve rapportée d'une autre chapelle dédiée à St Jean Baptiste...
Et si les thèses développées par Gay ou Collet sont loin d'être des nouveautés, pensez-vous que les rabâchages des Beaune et consœurs apportent des explications sensées à cette histoire?

Alexandre Laumond a dit…

"Donremy sur Meuse, à trois lieuës dudit Vaucouleur. D’où estoit native cette fameuse pucelle d’Orléans, qui se nommait Jane Day ou Dallis. [...] Le devant de la maisonnette où elle naquit est toute peinte de ses gestes ; mais l’aage en a fort corrompu la peinture. Il y a aussi un abre le long d’une vigne qu’on nomme l’arbre de la Pucelle, qui n’a nulle autre chose à remarquer."
L'auteur de ce texte ? Un certain Rabelais, de passage à Domremy en 1580... soit 240 ans avant la restauration de la maison par l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées du département, Jean-Baptiste Prosper Jollois. Un conseil de lecture pour comprendre l'histoire de cette bâtisse ? Le texte que Pierre Heili publiera cette année dans les Annales de la Société d'émulation !
Au sujet de l'église, si le bâtiment est du XVIe siècle, sa dédicace à Remy démontre la très probable présence d'un édifice antérieur, comme cela est souvent le cas. Un autre conseil de lecture ? Lire, par exemple, la thèse de Marie-Céline Isaia, "Le culte de saint Rémi dans l'Occident chrétien (VI-XII siècle)", Paris X, 2004.
Enfin, et ce n'est pas la première fois sur ce blog, nous déplorons l'anonymat derrière lequel se cachent les auteurs de certains commentaires. Anonymat qui caractérise également le fameux site www.jeannedoremy.fr. A croire que d'aucun ont quelque chose à dissimuler !
PS : J'adore la remarque de notre anonyme "des Beaune et consœurs". A croire qu'aucun chercheur de sexe masculin ne s'intéresse à la question. Quel drôle d'a priori, n'est-ce pas ?

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

"Un certain Rabelais, de passage à Domremy en 1580"
L'anonyme cité par Monsieur Laumond a visiblement des connaissances historiques que ce dernier n'a pas, qui fait passer l'illustre François Rabelais à Domremy près de 30 ans après sa mort (généralement admise en l'an 1553)... Un premier miracle!
Une intervention qui mérite donc de figurer dans l'article de notre excellent confrère André Cherpillod, "le florilège des bourdes" ! (http://jeannedomremy.fr/S_Questions/bourdes.htm)
Quant à l'église dite du baptême de Jeanne, elle date bien de la fin du XVIème siècle... C'est vraisemblablement pour cela que la frange traditionaliste la fait abriter le baptême de l'héroïne, survenu quant à lui au début du XVème... Encore un miracle!

Alexandre Laumond a dit…

Côté bourde, il est vrai que je me défends. Erreur de ma part puisque le quidam cité n'est pas Rabelais... mais Montaigne ! Je veux bien figurer dans le florilège des bourdes, tout en observant que, pour mon anonyme contradicteur, la forme prime sur le fond puisque la valeur du témoignage cité n'est pas remis en cause... le rendant de facto valide, non ?
Côté église, un bâtiment qui date architecturalement du XVIe siècle ne signifie pas que l'église, en tant que centre spirituel, lui est nécessairement contemporaine. Ainsi, le pouillé du diocèse de Toul de 1402 indique clairement que la cure de Domremy, annexe de celle de Greux [de Dompno Remigio et Greux], est à la collation du chapitre de Brixey. Il y a donc bien, depuis au moins 1402, un lieu de culte à Domremy. Évidemment, dire que Jeanne a été baptisée dans l'édifice actuel n'est pas tenable. Il n'empêche, elle a été très certainement baptisée dans son village ou à Greux. Désolé pour mon sarcastique anonyme, mais les miracles ne sont toujours pas à l'ordre du jour.

Christian Euriat a dit…

La "bourde" d'Alex n'est pas bien grave, et elle compense d'une certaine façon les innombrables fois où de sentencieux ignorants attribuent à Montaigne le célèbre formule "Science sans conscience...", j'y pense parce que je l'ai entendu encore récemment dans le poste.
Ce qui m'épate, en fait, c'est que Jeanne d'Arc puisse encore engendrer tant de passion hargneuse et vétilleuse de la part des anonymes (je mets le pluriel car rien ne prouve qu'il s'agisse ici d'une seule et même personne).
Mais peut-être ces anonymes ignorent-ils simplement qu'il suffit de choisir Nom/URL dans le menu déroulant à côté du mot "Commentaire" et de taper son nom pour accéder à la plénitude de l'existence...

Frédéric Veançon a dit…

Je pense qu'il convient de citer ici l'un des plus importants ouvrages publiés ces dernières années sur Jeanne d'Arc en son pays : les actes du colloque universitaire international organisé à Domremy et à Vaucouleurs en 2012.
Après la polémique suscitée par la sortie en 2007 de "L'affaire Jeanne d'Arc", livre vide d'éléments nouveaux mais hélas truffé d'élucubrations et d'hypothèses fantaisistes régulièrement reprises depuis le XIXe siècle (c'est mon avis), il était temps que les universitaires, animés par une démarche scientifique cohérente, reposant sur une méthodologie éprouvée, mettent de nouveau la main à la pâte. Le 600e anniversaire de la naissance de notre héroïne nationale leur en donna l'occasion. Il s'agissait, entre autres, de tenter de mettre un terme à l'imposture des théories bâtardisante et survivantiste qui n'auraient jamais dû susciter autant de débats tellement elles paraissent grotesques aujourd'hui, surtout à la lumière des nouvelles recherches menées par un collège d'historiens et d'archéologues dignes de ce nom auxquels il faut rendre hommage. Rappelons tout de même, une fois de plus, que les théories conspirationnistes ressassées inlassablement par quelques mythographes peu scrupuleux, font de Jeanne d'Arc la fille adultérine de la reine Isabeau de Bavière ayant échappé au bûcher de Rouen... Le plus grave est que bon nombre de nos concitoyens, amateurs d'histoire ou simples curieux, ont été victimes de cette duperie dont certains médias - et pas des moindres - s'étaient même rendus complices ! Les gens du commun, dont on connaît le goût prononcé pour la théorie du complot, en ont été pour leur frais (à ce sujet, voir la recension de l'ouvrage de Colette Beaune, professeur émérite d'histoire médiévale à l'Université Paris X-Nanterre : "Jeanne d’Arc. Vérités et légende", en ligne ici : http://clio.revues.org/index9504.html).
Les actes du colloque de Domremy et Vaucouleurs, sortis en septembre 2013 des Presses Universitaires de Nancy, dans la très belle collection "Archéologie, Espaces, Patrimoines", rassemblent pas moins de 25 contributions des meilleurs spécialistes. Les principales problématiques sur le thème de Jeanne d'Arc et la Lorraine y sont abordées (enquêtes sur la date de sa naissance, sa famille, ses fiançailles rompues,... sans oublier un article de fond sur la fausse Jeanne d'Arc, Claude des Armoises, au sujet de laquelle des données inédites nous sont offertes). Parmi les autres travaux marquants, on notera ceux relatifs à l'archéologie du secteur de Domremy, Vaucouleurs et Neufchâteau (maison natale, châteaux et villes fortes), ceux relevant du contexte social, politique et militaire, trop souvent négligé par le passé (Arbre des fées, "marches" de la Lorraine, guerre de Cent Ans), enfin bien sûr ceux liés à l'environnement religieux (cadres et structures de la vie religieuse, sainte Catherine d'Alexandrie, prophétisme) (tous les détails ici : http://crulh.univ-lorraine.fr/content/de-domremy-tokyo-jeanne-darc-et-la-lorraine).

Alexandre Laumond a dit…

Merci pour cette utile mise au point.

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